«Je me suis demandé au préalable si je devais vraiment m’infliger ce stress», raconte la jeune femme de 38 ans en riant. «Mais j’étais consciente que si je commençais à le faire au milieu de l’adolescence, je pouvais m’attendre à de longues heures de discussion.» Le passage en secondaire a été pour elle le moment idéal. A ce même âge, elle aussi avait dû assumer davantage de responsabilités financières. «Cela m’a beaucoup aidée dans ma gestion de l’argent.» Elle verse 160 francs par mois sur le compte jeunesse de son fils. Elle a fixé ce montant avec Matteo. Pour cela, elle lui a donné à l’avance une liste dans laquelle il a inscrit combien coûte quoi et dans quel magasin. «Ça a été laborieux et cela m’a pris beaucoup de temps», se souvient Matteo. Mais pour sa mère, cette préparation minutieuse était importante. «Matteo devait avoir une idée du coût de la vie et de la différence qu’il y a entre le fait d’acheter une boisson au supermarché ou au kiosque.» De son côté, Matteo a été surtout été surpris par la différence de prix entre les produits «sans nom» et les articles de marque. «C’est incroyable ce que l’on paie juste pour la marque!»
«Matteo devait avoir une idée du coût de la vie et de la différence qu’il y a entre le fait d’acheter une boisson au supermarché ou au kiosque.»
Sabrina P.
Avec son salaire jeunesse, Matteo doit s’acheter ses vêtements et ses produits cosmétiques. Il paie également lui-même le coiffeur et tout ce qu’il consomme avec ses copains. En revanche, les tenues de sport sont prises en charge par ses parents. Les vêtements de ski sont également cofinancés par sa mère, car ils seront un jour portés par son jeune frère. Cependant, Sabrina P. n’est pas prête à dépenser de l’argent pour des vêtements de marque coûteux. «Pour la veste de ski que Matteo a choisie, il a dû participer.» «Je ne suis pas indifférent à ce que je porte», admet l’adolescent.
Matteo attache beaucoup d’importance au style. Mais à son grand dam, les Jordan ont dû attendre – malgré le salaire jeunesse.
Au début, le téléphone portable a également constitué un défi. «Nous nous sommes mis d’accord pour que je prenne en charge les frais d’abonnement mensuels et que Matteo paie tout ce qui les dépasse», explique Sabrina P. «Aujourd’hui, cela fonctionne, mais au début…» Elle rigole. Pourtant, à l’époque où la première facture en ligne est arrivée, elle n’avait pas du tout envie de rire. Il a fallu débourser environ 90 francs pour un volume de données supplémentaire. «J’ai imprimé la facture pour Matteo et je me suis assise avec lui», raconte-t-elle. «Matteo était visiblement choqué, mais il a fini par payer la facture en grinçant des dents.»
La première facture de téléphone portable a été un choc. Aux 20 francs de frais d’abonnement s’ajoutaient environ 90 francs pour le volume de données supplémentaire (gauche). Matteo ne reçoit pas son salaire jeunesse gratuitement. Sa mère attend de lui qu’il l’aide en retour dans les tâches ménagères. C’est ce qu’ils ont stipulé dans un contrat.
Depuis, Matteo a non seulement un abonnement illimité, mais aussi une meilleure idée de la somme dont il dispose et de ce qu’il veut en faire. Il compare les prix dans différents magasins et gère globalement ses finances de manière plus réfléchie. Cependant: aujourd’hui encore, il n’est pas totalement libre de ses choix. «S’il veut acheter quelque chose de plus important, il doit m’en parler», dit Sabrina P. avec fermeté. Souvent, les discussions vont alors bon train. Il y a toutefois un sujet dont elle refuse de discuter. «Les achats in-app sont tabous.» Ici, ce n’est pas tant l’argent qui l’intéresse que l’éducation. «Je ne l’autorise pas non plus à acheter des cigarettes ou de l’alcool.»
«Le salaire jeunesse doit d’une part contribuer à l’apprentissage de la gestion de l’argent, mais aussi à la prise de conscience du fait que l’on doit fournir un effort pour obtenir un salaire.»
Sabrina P.
Chez la famille P., le salaire jeunesse n’est pas gratuit. «Nous avons un contrat», précise Sabrina P. D’une part y figure le salaire de Matteo. Et d’autre part, ses obligations y sont énumérées: étendre le linge, mettre la table, vider le lave-vaisselle, mais aussi faire ses devoirs. Au début, Matteo ne prenait pas ces accords au sérieux. «Il se disait qu’après tout, il n’était pas mon serviteur», raconte Sabrina P. en souriant. «J’ai alors suspendu son salaire. Pour moi, grandir signifie aussi prendre des responsabilités au sein de la famille. Le salaire jeunesse doit d’une part contribuer à l’apprentissage de la gestion de l’argent, mais aussi à la prise de conscience du fait que l’on doit fournir un effort pour obtenir un salaire.»
Cet été, Nevio, le frère de Matteo, entrera lui aussi en secondaire. Son compte jeunesse est déjà ouvert. Le garçon de 12 ans se réjouit déjà, mais Sabrina P. est un peu inquiète. «Nevio est une véritable tête de mule», soupire-t-elle. Il y a déjà des discussions constantes au sujet de l’argent. Nevio abonde dans son sens. «Elle n’arrête pas de me donner son avis. Pourtant, c’est mon argent!» La pierre d’achoppement, ce sont surtout des «trucs inutiles», comme les cartes Pokémon. Malgré la crainte de discussions interminables, Sabrina P. souhaite procéder avec Nevio, puis avec Lenya, exactement de la même manière qu’avec Matteo. «L’éducation financière me tient particulièrement à cœur. Je veux à tout prix éviter à mes enfants de tomber un jour dans le piège de l’endettement.»
«Je veux à tout prix éviter à mes enfants de tomber un jour dans le piège de l’endettement.»
Sabrina P.
Pour Lenya, la benjamine, il faudra attendre encore un peu avant de recevoir le salaire jeunesse. Mais Sabrina P. ne s’inquiète pas du tout pour elle. «En plus d’être économe, elle est aussi très responsable.» Lenya hoche la tête en signe d’approbation. «Dans ma tirelire, il y a exactement 50.20 francs. Je tiens en effet les comptes», explique fièrement la fillette de 10 ans. Lorsque la tirelire est pleine, l’argent est versé sur le compte d’épargne. Aujourd’hui, environ 1000 francs s’y sont déjà accumulés. «Faire des économies est important pour moi. Même si je ne sais pas encore pour quoi», dit-elle.
Le plus grand souhait de Nevio: des lunettes de réalité virtuelle. Sa mère lui refuse encore ce souhait. «C’est une question d’éducation, les enfants jouent déjà trop aux jeux vidéo de nos jours», dit-elle. «Mais la discussion n’est pas encore terminée.» (gauche) Lenya n’a pas d’objectif d’épargne précis, mais elle économise tout de même assidument. Sa tirelire contient actuellement 50.20 francs et son compte d’épargne environ 1000 francs.
«Faire des économies est important pour moi.»
Lenya P.
Economiser sans objectif concret: sur ce point, Lenya a une longueur d’avance sur son grand frère Matteo. Ce n’est que grâce au salaire jeunesse qu’il a appris qu’il fallait toujours mettre un peu d’argent de côté. «Mon compte n’est jamais vide. Si je vois des baskets ou un t-shirt sympa, je peux les acheter avec mes économies», explique l’adolescent de 14 ans. Et après un an, il tire un bilan positif: «J’ai beaucoup appris. Par exemple, qu’un pull cool suffit. Et que le t-shirt en dessous ne doit pas forcément être cool, sauf en été bien sûr.»
Sabrina P. se réjouit de cette évolution. «Aujourd’hui, il n’y a presque plus de discussions sur l’argent», résume-t-elle. A ses yeux, avoir investi du temps et de l’énergie en valait définitivement la peine: «J’ai pu me décharger d’une partie de mes responsabilités financières.»
Lors de l’achat d’images Panini, il n’y a pas de discussion. Tout le monde les trouve cool et chacun apporte sa contribution. «Mais il n’y a qu’un seul album pour tout le monde et il faut qu’il soit complet à la fin», explique Sabrina P.
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